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Les ruelles de mon passé

Quelques jours à Madrid, à fouler les sentiers de mon ancien monde. Je me suis replongée dans la ville où j’ai vécu il y a longtemps. Immergée dans cette période étudiante révolue, année imbibée et empreinte de transgressions.


Toute timide et traversée par l’appréhension, j’ai fait mon retour dans cette ville tant chérie, abstinente pour la première fois. J’ai eu si peur de m’y sentir étrangère. De ne plus pouvoir trouver ma place dans celle qui m’avait, il y a longtemps, portée dans mes excès. L’aimerais-je autant le jour que je l’ai aimée la nuit ?

J’ai retrouvé mes précieux rituels mais à la bonne heure. La sobriété m’a offert une nouvelle interprétation des saveurs d’autrefois. Revivre les plaisirs d’avant, sans influence cette fois.

Madrid, tu n’as pas changé, mais moi je ne suis plus la même. Comme si je ne t'avais jamais quitté, je me suis pourtant retrouvée chez toi comme chez moi. Réminiscences étranges du passé, entre absurdité de souvenirs trop flous et nostalgie de l’intensité retrouvée.


Dans les pas de mon ancienne moi, j’ai goûté à la joie et à la légèreté de ce temps-là. J’ai retrouvé, au creux du ventre, l’énergie folle qui m’avait habitée, l’insatiable soif de prendre le pouls de la ville et l’excitation des rencontres madrilènes.


J’ai retrouvé mes précieux rituels mais à la bonne heure. La sobriété m’a offert une nouvelle interprétation des saveurs d’autrefois. Revivre les plaisirs d’avant, sans influence cette fois.


Se délecter des churros de San Ginés pour un dessert gourmand plutôt que d'éponger l'alcool avec du chocolat au petit matin. Sourire en passant Plaza Dos de Mayo, devant le rendez-vous des amis, se rappeler les nuits passées au comptoir à refaire le monde avec les anarchistes plutôt que de revoir les verres qui s’entrechoquent sur le bar. Se souvenir des débats animés de la Tabacalera à Lavapiés, des installations vibrantes du Matadero, des artistes inspirants de la Casa Encendida plutôt que de ma démarche groggy et fatiguée dans les couloirs. Profiter des couchers de soleil de la Casa Granada plutôt que de la vue sur les pintes qui s'enchaînent. Rire Plaza Santa Ana en dévorant les tapas gourmandes du Lateral plutôt que d’abuser du vino tinto. Ressentir les frissons devant Le jardin des délices de Jérôme Bosch plutôt que ma gueule de bois dans les allées du Prado. Redécouvrir la Calle Peñuelas où nous avions ramené la plage sur le balcon plutôt que les étagères remplies de quilles vides. Retrouver la veine artistique en courant au théâtre à peine arrivé. L'accueil et la chaleur des madrileños qui t'accueillent sur leur canapé comme si tu les connaissais depuis toujours.


Mayur Txomin, Patricia, Bruno, Felipe, Anthony, Clémence, Adrien, Ivan... J'ai revu tous ces visages sur les murs de la ville. Cette bande de joyeux lurons toujours prêts pour de nouvelles aventures. Je me suis souvenue de toutes les expériences magiques qu’on avait partagé plutôt que des rencontres fortuites de la nuit, des inconnus oubliés de l'aube.


J'ai retrouvé tous les beaux souvenirs. Tous ceux qui méritent d’être retenus. J’ai laissé mon double maléfique toute seule dans le métro, honteuse avec ses lunettes noires, qui rentre après une nuit sans sommeil. J’ai pensé à elle avec tendresse. J’ai marché de long en large, à travers les quartiers tant aimés, sous le soleil rayonnant.


Revenir sur les traces de son passé n’est qu'une question de perspective. La sobriété me permet aujourd'hui de choisir ma vision du monde. J’ai fait la paix avec mes démons. Je sais désormais voir la lumière qui s’est glissée dans mes heures sombres. Je n'explore plus mes failles dans la nuit, je m’ouvre à la lumière de l'inattendu. Je regarde le présent les yeux grands ouverts, lucide, sans me retourner.

Aujourd'hui, je crée de nouveaux souvenirs avec de nouveaux révolutionnaires en m’abandonnant sans crainte à l’émerveillement et à l’insouciance des débuts. Maintenant je sais qu’il m’est possible de revenir dans tous les mondes que j'ai déjà visités, sans jamais plus avoir peur de croiser les fantômes de mon passé.








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