rencontre n.f.
Le fait, pour deux personnes, de se trouver (par hasard ou non) en contact.
[Définition du Robert]
Je n’étais pas là par la force des choses, mais parce que je l’avais choisi.
J’ai tant redouté ma première rencontre sobre. Comment se projeter dans un premier rendez-vous sans bouteille de vin ? Sans cette petite ivresse qui fait chavirer le cœur et qui enflamme les regards. Comment séduire, sans un verre pour se donner du courage ? Pendant 15 ans je n’ai pas su entrer dans la première intimité sans ça.
A mesure que l’on sirote, on a les joues qui chauffent un peu, les rires se déploient et les corps se rapprochent. Ensuite je n’avais plus rien à penser, mon corps faisait le reste. Je n’avais plus qu’à m’abandonner, laisser le vin faire effet et accepter le lâcher prise.
J’ai souvent pensé après coup, ouf, ça y est, c’est fait.
Quand je refais l’histoire, boire m’a souvent amenée à enlacer la mauvaise personne, celle que je ne voulais pas forcément. Ce petit apéro finissait par enrober la réalité. Il me connectait à mes pulsions tout en me déconnectant de mes émotions profondes. Boire me donnait l’illusion que l’autre m’était accessible et gommait tous mes doutes. Je me sentais telle Aphrodite, en pleine possession de mes charmes. Rien ne pouvait m’arrêter. Même pas peur, j’allais vers l’autre comme au front, sûre de moi. Allez, encore un verre et je l’embrasse. Et quand bien même c’était la débâcle, tant pis, demain je pourrai tout remettre sur le compte de l’alcool “désolée, j’étais bourrée…”.
Après deux mois de sobriété, c’est arrivé. Un peu l’air de rien. Un dîner improvisé. Après les premières minutes un peu timides, la mise en place de la scène, l’assurance surjouée, on se détend et les discussions s'enchaînent, fluides. Ça se connecte et ça s’emboite. J’ai souvent cherché la bouteille sur la table pendant la soirée. Une petite envie de temps en temps de me verser un peu de vin, pour me vêtir de la contenance à laquelle j’étais habituée. Mais j’ai fini par écouter mon ressenti. Je me sentais bien. A l’aise. En confiance. On a passé la nuit à échanger, à rire et à apprendre sur l’autre. La sobriété ne me rend finalement pas moins bavarde. Mais chaque mot s’installe, se pose et fait sens. On entend l’autre, mais surtout on l’écoute vraiment. Et c’est délicieux.
J’ai senti peu à peu l’émoi m’emporter. Au fil des discussions, mon regard changeait sur lui, je le trouvais beau. Ses mots résonnaient en moi. Il me plaisait tant. Puis les premiers jeux. Sa main malicieuse au creux de mon genoux. Comme pour rire et se rapprocher. La tête un peu étourdie et les papillons dans le ventre.
A 5 heures du matin, quand je me suis étendue à côté de lui, c'était une évidence. Je n’étais pas là par la force des choses, mais parce que je l’avais choisi. Tout était si clair et juste. J’ai eu peur, et j’ai aimé vivre ça, accueillir ces petites appréhensions exquises. Après les rires un peu nerveux, les paroles incessantes pour masquer mon émotion, j’ai fini par me laisser emporter.
Quand les corps se rencontrent, je ne triche plus. Toute nue et toute sobre. Dans ma plus grande vérité. J’ai goûté à chaque moment cette nuit-là, à cette étreinte que je ne connaissais pas encore. Aux maladresses des corps qui se touchent pour la première fois. En pleine conscience, j’ai accueilli chaque caresse et chaque frisson.
Aux lueurs du jour, j’étais là où je devais être. Sans regret et le sourire aux lèvres. Fatiguée d’une nuit sans sommeil, mais si exaltée. Capable de profiter de l’instant sans penser au lendemain. Sans peur et sans boule au ventre. Le corps endormi mais l’esprit serein. Avec les souvenirs lucides de chaque instant. C’est la vérité et l’imperfection de ce moment qui l’ont rendu si enivrant.
J’ai alors compris que c’était possible. Que je pouvais enfin être moi et m’abandonner à la surprise d’une belle rencontre. J’étais prête à nouveau à aller vers l'autre si tel était mon désir. Et avec ma plus profonde sincérité.
Crédit photo : @eelenacg1999